Trashed
Derf Backderf est un type chanceux.
Après avoir passé sa scolarité avec un futur tueur en série, puis abandonné la fac, le voilà qui travail pour sa ville natale au ramassage des ordures.
Trashed
Auteur : Derf Backderf
Contenu VO : Trashed (version de 2015)
Éditeur VO : Abrams Comics Arts
Éditeur VF : Éditions çà et Là
Date de publication VF : 21 septembre 2015
Prix Tournesol 2016
Prix Lycéen de la BD Toulouse/Colomiers 2017, catégorie humour
Sélection Prix de la BD Fnac 2016 Eisner Award 2016 du meilleur lettrage (vo)
Une première version en 50 pages de cette histoire avait valu à Backderf d'être nominé en 2002 pour l'Eisner Award du meilleur artiste-auteur.
Résumé :
Agé de 21 ans J.B., qui vient d'abandonner la fac, est retourné chez sa mère. Cette dernière voyant d'un mauvais œil son fils glandouiller toute la journée le pousse à répondre à une petite annonce, relativement vague, de la mairie. Ni une, ni deux, voilà le jeune homme devenu employé municipal... préposé au ramassage des ordures.
Tous les dessins de cet article sont de Derf Backderf
Critique :
Derf Backderf c'est fait connaître par chez nous grâce à son excellent roman graphique, Mon ami Dahmer. Dans cette œuvre il racontait ses années lycées.
Mais surtout il a cherché à comprendre, comment un de ses camarades, Jeffrey Dahmer, a pu devenir en grandissant le tueur en série connu sous le sobriquet de « cannibale de Milwaukee ».
Pour ce faire il se basait sur ses souvenirs mais surtout sur une somme importante de recherches et de témoignages. Et tout cela fut mis bout à bout afin reconstituer le parcours d'un adolescent perturbé et sa transformation en assassin.
Avec Trashed l'artiste reprend la même méthode mais sur un sujet moins grave (quoi que). En effet si le présent récit est une fiction il s’appuie cependant bien sur les souvenirs de Backderf qui utilise ici aussi la somme des anecdotes enregistrées pour réaliser son comic-book. Cependant, alors qu'il était éboueur en 1980, l'artiste a-t-il fait le choix d'une mise à jour en transposant son expérience à notre époque (mais selon lui le boulot n'a que peu changé) ce qui lui permet de parler du tri sélectif par exemple. Il enrichit aussi son livre d'informations sur l'histoire, les méthodes mais aussi l'impacte écologique et sanitaire du traitement des déchets.
Spoiler : on est dans la merde.
Mais l'aspect environnemental n'est pas l'unique problème pointé dans ce livre. En effet dans son autofiction l'auteur pointe les difficultés du métier. Tout d'abord celle liées aux conditions de travail comme les intempéries, le poids des charges à soulever, ou encore les risques de rester à l'arrière d'une benne à ordures dans la circulation. Mais aussi difficultés sociales. Il est en effet intéressant de noter qu'alors que leur travail est absolument vital les éboueurs font parties des personnes dont le métier est le plus dévalorisé, ce qui bien entendu fait que certains se permettent de les traiter comme des moins que rien. Étant tout en bas de la hiérarchie J. B. et ses collègues sont aussi les victimes des petites magouilles et arrangements de leurs supérieurs. Ainsi ils se retrouvent régulièrement obligés à faire des petits boulots (non payés bien entendu) pour les notables de la ville en plus de leur tournée.
Cette BD est aussi un témoignage sur notre société. On a tendance à l'oublier mais les éboueurs peuvent tout savoir de nous et de notre intimité. Au travers de nos poubelles ils savent ce que nous consommons et donc dans une certaine mesure qui nous sommes. Une fois cette simple vérité mise en image on se prend à sourire quand un des personnages découvre la collection de revues porno (et par la même les gouts) de son ancien prof de math et on est amère quand la bande doit mettre à la benne les photos et autres souvenirs heureux d'une famille ayant été expulsé de chez elle par sa banque.
Face à ces épreuves les personnages, dotés de fortes personnalités, ont développés un sacré sens de l'humour. Tantôt noir, tantôt burlesque il faut probablement bien ça pour tenir face à la crasse et le gâchis organisé par une humanité qui n'est plus composée que de consommateurs. Du coup cette bande dessinée devient un réservoir à gags et répliques potentiellement cultes.
Cette impression est d'autant plus forte qu'il n'y a pas à proprement parlé d'histoire. En effet, Backderf nous livre un récit « tranche de vie ». Une succession d’anecdotes mises en images par un dessin plus expressionniste que réaliste inspiré par les comics underground.
Bref c'est une bonne BD que je ne peux que vous conseiller si vous aimez ce type d’œuvres.